Le Moineau de Bellecour - Salsa Picante de Jean Ducreux




Titre : Salsa Picante - Le Moineau de Bellecour

Auteur : Jean Ducreux
Editions : Héraclite
Année de parution : 2021


Cette chronique est librement écrite en service presse.

Pas de tourisme, de la filature !

Il m'est arrivé de visiter des capitales : Frankfort, Stuttgart, Paris, Vienne, Vilnius, Prague, Varsovie, Rome, Florence et Lisbonne. Précédées par leur réputation, elles ont alors un goût touristique prononcé, une saveur Guide du Routard, un parfum de carte Michelin. On y va pour y avoir été, pour se prendre en photo devant la tour Eiffel, on prend une bière/un verre de champagne/un expresso en terrasse mais on sait bien que c'est un peu artificiel... Tout cela n'est qu'apparence, sauvegarde d'une image lisse et compromise (Voir les phrases cultes en bas de cet article !), car on doit figer la vue pour retenir un tant soit peu l'attention du touriste évaporé. 
Bref. Pareil pour  Bellecour vu par l'Office de Tourisme :
Ce patchwork touristique cousu de fil blanc m'a toujours découragée. Il aplatit tout.
L'hypercentre de Lyon se résume donc aux coussins verts, aux luminions rouges, aux pavés dorés, aux fontaines baladeuses, aux quenelles, aux bouquinistes, aux traboules (désormais plutôt condamnées), aux pigeons, à la cochonaille et aux fresques murales de la Cité de la Création. Bon. 

Pourtant, qui veut voir la ville doit passer au travers de cette toile consensuelle.

Le Moineau de Bellecour nous emmène dans la vraie vie : plutôt que la rue Victor Hugo, la rue des Remparts d'Ainay et plutôt que les quais du Rhône, la rue Combalot. Et une petite mention de la Duchère et des Minguettes au passage, avant de visiter le nouveau quartier de la Sucrière et sa voiturette-test du Sytral.
La vraie ville qui pulse et qui brasse les bas-fonds et la haute, les déchus et les parvenus, les gens d'ici et d'ailleurs. Pendant que, lui, le détective privé qui ne s'embarrasse pas de discours, il photographie les ébats illicites ! Enfin, il devrait faire son travail tranquillement si il n'y avait pas les circonstances qu'on sait.

Le crime selon Nacho Obispo le bien-nommé

Donc l'enquêteur est un privé.
Nacho Obispo a des racines latines très ancrées. Au premier abord, on saisit tout de suite le contraste extrême entre le feu (ignis >Ignatius > Nacho) et la glace de la charge épiscopale. Il est constamment entre deux extrêmes, et fatalement e prend pas toujours la décision la plus facile. Pourtant, on peut dire qu'il voudrait bien. Mais c'est plus fort que lui. Il brûle et il raisonne, il coopère volontiers mais sniffe de la cocaïne (S'il en a par hasard à sa disposition, vu qu'il n'irait pas s'en acheter tout de même !!!!)
Il débusque les amants des garçonnières mais tombe dans les panneaux. Bref. Un vrai de vrai, pétri de contradictions et d'idées de génie.
Il a aussi une grande famille - une femme, six enfants et un chien, qui est très impliquée, surtout El Gato, le chien qui sert de vecteur émotionnel à tous moments : il sert d'alibi, d'excuses, de soutien, et tant d'autres choses encore. Le moineau, ç'aurait quasi pu être lui !

Notre Nacho fait tout pour se tenir pépère mais là, les circonstances exceptionnelles l'obligent à se mêler de meurtre. Franco de port,, il se jette dans la bataille, par fierté peut-être et aussi par amour. D'ailleurs, avec un programme quotidien à la fois surchargé et intuitif, Nacho procède avec une sérendipité qui désarçonnerait le plus déductif des détectives : il joue une sonate au piano, décide de redevenir célibataire, terrorise le garçon du pressing et se donne du courage en évoquant son Papy Canari. Plus touchant, tu meurs !

Sa sensibilité à fleur de peau, son apparente naïveté qui cache une détachement sage et profond, son charme latin mais tellement intellectuel, "frenchie" dirais-je, tout cela en même temps, eh bien ça marche du tonnerre ! Parce qu'une chose est sûre : dans la vie comme dans les affaires, la logique n'est qu'une goutte d'eau dans un océan d'émotions.






Un humour croustillant avec un air castillan (C'est pour la rime, en fait)

En littérature, les enquêtes servent de prétextes pour dénoncer les travers sociaux et/ou culturels. Disons qu'il y a des piques et que certaines personnes se reconnaîtront (Sinon, on les reconnaîtra sans peine ;-) ), en tous cas, elles en prennent pour leur grade, mine de rien, au détour d'une porte cochère ou dans le fauteuil plein cuir d'un bureau de la presqu'ile. Il ya des clés et des clins d'œil, un air de familiarité dans la distribution et des transpositions carrément drôles comme le nom des partis politiques ou la trouvaille du portougnol.
On reste cependant dans un périmètre plus restreint que d'habitude, entre l'Amérique latine, le Portugal et l'Espagne, sur le parcours rêvé de MariTé à la limite jusqu'à Berlin, mais sans mettre un seul pied en Russie ni en Egypte. (Pour ces autres pays du monde, Pharaon 1923 ou la série des Crimes et des Routes sont à recommander). Il ya donc une belle ambiance latino que je situerais exactement à mi-chemin entre les Rita Mitsoukos et la Crevette d'acier.

Les Rita Mitsoukos pour les danse déjantées et lascives, l'énergie, le rythme, la fête, l'absence de limite, le feu !



La Crevette d'Acier pour le côté conceptuel, le fait que tous les coupables sont innocents sous un certain angle et inversement, et que la plupart du temps, le vrai problème, c'est qu'on a rien fait.


Je n'ai pas su choisir quelle atmosphère ressemble le mieux à notre Moineau. Vous me direz ce qu'il vous semble, si vous voulez. Je crois qu'on pourrait peut-être essayer de les écouter les deux en même temps chacune d'un côté pour recréer les ébahissements de notre détective souvent encore occupé à se demander "Pourquoi?" alors que la réponse est en train de lui foncer dessus à la vitesse de la lumière. Les polars de Jean Ducreux sont parfaitement anticonformistes, car ils ont l'air et la manière de pousser la sincérité jusqu'aux confins de la subversion, dans un style aux antipodes de toute novlangue et des discours ambiants. Vu l'actualité, ça fait tellement plaisir !

Pour finir, j'ai pêché dans cette histoire les moments dont je vais me souvenir. Ce sont souvent des jeux de mots, parce que c'est ce que je préfère dans les livres de Jean Ducreux : la langue du Moineau !

Mes moments cultes donc : 

"Il est génial, ce chien, il a son langage, il a des yeux et des mimiques pipi, comme il a des yeux croquettes à d'autres moments."

"Rien de tel qu'un brassage dégoulinant de sueur pour faire évoluer une société momifiée entre castes et stéréotypes."

"Nous sommes tous des êtres de compromis, ce qui ne veut pas nécessairement dire compromission."

"Pépé Canari avait coutume de dire une chose assez semblable, pétrie de la même sagesse : " Plus tu intelliges, plus tu deviens intelligent !" Il avait une façon tout à lui de mettre le français à son service et non pas l'inverse."

"Le français est un mustang, un cheval sauvage futé, revêche, retors, indocile et rebelle. Une dictée française est une dictature -car antidémocratique par nature - qui vous broie un élève, le relègue à son rang, lui donne une leçon d'humilité. La langue de Molière, Racine, Rousseau et Voltaire, rendez-vous compte ! Et puis de Corneille et j'en passe. Beneharo Obispo estimait que c'était aussi une langue de moineau. Comme les autres, ni plus ni moins."

Post-scriptum : au moment de publier cette chronique, l'auteur répond à de multiples interviews dans la presse, sur les ondes ou sur la toile. La dernière que j'ai entendue m'a fait penser à Raphaël Mezrahi et à un autre gentleman ! - pour savoir pourquoi, faites-moi un MP ;-)



Pour acheter les livres de Jean Ducreux, via son site : http://ducreux.us/

  • dans la librairie Gallimard : https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782900311554-salsa-picante-le-moineau-de-bellecour-ducreux-jean/

  • et le retrouver sur la BNF : https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/annonces.html?id_declaration=10000000628138&titre_livre=Salsa_Picante

  • S'abonner sur Facebook pour ne pas rater la sortie de Tirage Gagnant - Le Moineau de Bellecour - Enquête #2 : https://www.facebook.com/jeanducreuxromancier


Dans ma pile à lire du mois d'août 


de l'histoire romancée, de l'humour et de la prémonition avec Lisa Giraud-Taylor - Retour en URSS - 2033 et Louis Geandreau 

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