Café Blanc de Clara Ballereau

  




Titre : Café blanc

Auteur : Claire Ballereau
Editions : Nombre 7
Année de parution : 2021


Cette chronique est librement écrite en service presse.

On est bien peu de chose...

C'est au salon de la Rochelle que j'ai eu la chance de rencontrer Claire Ballereau sur un stand de Nombre 7 Editions en charmante compagnie d'ailleurs. Notre échange avait un goût de premier roman empreint d'authenticité et sans discours marketing préétabli. Au cœur de la conversation, les ateliers d'écriture, la liberté de l'expression personnelle retrouvée, la nécessité d'écrire aujourd'hui, auprès des jeunes, des minorités, de ceux qui n'osent pas, ne savent pas, ne croient pas, bref auprès de l'immense majorité !
Le livre dédicacé contre une promesse de retour de lecture, d'un email, d'un avis étoilé, d'une chronique. 
Et comme le voyage Angers-Lyon en intercité Sncf dure 6h, c'était le moment idéal pour plonger dans l'univers d'une autrice en herbe qui passe de l'autre côté de la barrière. Car enseignante de français, elle puise à la source de la littérature classique. Rien que cela est plein de promesses... Et de fait, les premières lignes, bien écrites retiennent l'attention : la jeune femme dépeinte appartient à notre espace-temps, à notre quotidien. Elle nous est si proche... et en même temps tout est idéal. on attend le faux-pas, la catastrophe, la tragédie. Mais non ! Rien d'outrepassé, ni d'exagéré dans le récit. L'autrice déroule simplement le fil ténu des vies d'aujourd'hui, tressé de liberté et de lucidité. 
Du pinceau des miniaturistes, elle procède par petites touches délicates et nuancées, alternant les points de vue dans une approche psychologique très fine, introvertie et évidente. 




La romance ou la féminité du style

A l'heure où les genres donnent lieu à des considérations multiples et contradictoires, l'étiquetage littéraire est piégé. Pour moi, ce récit est une romance, dans toute l'ampleur du terme.
Seulement voilà : les préjugés et les a priori à l'égard de cette catégorie littéraire sont si nombreux qu'ils pavent d'erreur les voies de la littérature. En voici quelques uns :
  1. Dans les romances, les scènes de sexe sont inévitables... et imbuvables.
  2. Les romances sont un genre aussi facile que les Marie-couche-toi-là qui en sont les personnages.
  3. La sensiblerie mièvre prend le pas sur tout le reste, notamment l'histoire elle-même qui perd donc en pertinence.
  4. L'auteur de romance peut écrire au kilomètre, puisque la quantité emporte davantage que la qualité et qu'il n'y a ni message, ni profondeur.
  5. La superficialité de l'écriture correspondrait à celle de la lecture, pour une littérature "de gare".
Une antidote s'impose.

Pour mettre l'orteil dans une compréhension de la portée de certains a priori construits au fil de l'histoire, on peut écouter Régine Pernoud,  conservateur aux Archives nationales de France et spécialiste du Moyen Âge, qui pulvérise les raccourcis, nous donnant l'occasion de reconsidérer sérieusement tout un pan de ce qu'on croyait savoir...

J'ai lu ce roman avec le cœur en partageant les infimes glissements et frôlements qui font que tantôt la vie déborde, tantôt elle revient dans son lit - c'est le cas de le dire car les escapades, nuit de voyage et rencontres avec ou sans lendemains en constituent l'essentiel. J'avoue qu'au début, j'étais un peu gênée comme quand on assiste, malgré soi, à des moments très intimes, et puis finalement, la curiosité l'emporte, Elise nous emmène par procuration sur les voies qu'on n'aurait jamais osé explorer : l'amour assumé, malgré les écarts d'âge, de condition, de beauté, malgré le regard des autres, les croyances, la culture. Des amours sensorielles où les sens en éveil animent la plume de l'auteure.
Les épisodes tissent une réalité qui semblerait futile et faite de rien : c'est un hymne à l'humanité, aux failles qui sont des forces, à ce fameux lâcher-prise dont on parle tant aujourd'hui...

Papillon, trèfle, mouton et cochon !

Reste le titre. 
Café car il s'en boit beaucoup, comme si cette commande servait de ponctuation aux histoires d'amour qu'elle accompagne, équivalent tour à tour aux deux points pour ouvrir le bal, à la virgule et au point final, souvent d'interrogation d'ailleurs. Le lecteur devine les situations, se hasarde parfois au pronostic : la reverra-t-il ? Lui plaira-t-elle vraiment ? L'imagination débridée est aux commandes, avec les transgressions qui vont avec. Pas de scandales pourtant dans ces dérapages. De la douceur et de la résilience. Etonnant, feutré, vraisemblable.



Blanc parce que les blancs - lisez "les silences" - sont nombreux également à l'occasion du café ou ailleurs, écume de la communication impossible entre des êtres qui se rapprochent et s'éloignent comme les vagues dans le ressac. Les mots ne suffisent pas au discours amoureux plus sûrement traduit par un geste ou une intuition.
La romancière s'amuse à explorer le seuil entre fiction et réalité, elle invente et observe, elle vit "plusieurs vies imaginaires, c'est magique". 
Dans ce récit, la fiction d'Elise prend corps et devient sa réalité, ce qui est le principe même de la créativité, voire de la vie. D'abord, la pensée élabore la situation, puis la volonté l'inscrit dans le réel. Cet élan est une forme de divination, de pensée prédictive, de construction de l'avenir. C'est comme lire dans le marc et faire tout son possible pour réaliser la prophétie. D'ailleurs, en cliquant sur le bandeau du café juste au dessus, vous saurez comment interpréter les forme qui tapissent l'intérieur de la tasse retournée. 
Si je prenais un café avec Claire, j'aimerais y découvrir papillons, couronnes, trèfles et cochon et je lui dirai : "Que l'avenir soit conforme à tes vœux" en y croyant dur comme fer.

Toutes ces histoires d'amour et de rencontres qui se font et se défont me conduisent à un constat simple : la vie est brève. Puisqu'il faut la vivre, autant cultiver l'authenticité, reconnaître ses émotions et savoir les partager sans crainte. C'est seulement ainsi qu'on en cueillera les plus belles roses (mais je ne sais pas si c'est bien le message de l'auteure...).




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