De Profundis - Eric Maliska

Titre : De Profundis
Auteur : Eric Maliska
Editions : autoédition/ KOBO
Année de parution : 2015
Cette chronique est écrite pour le Salon de l'autoédition
C'est du latin
Dès les premières années passées sur les bancs de l'école, on s'aperçoit combien le grec sert à exprimer de façon compliquée la réalité qui nous entoure. Encore une de ces coquetteries de la langue française qui va envelopper d'un voile de mystère les notions qui devraient nous être les plus familières. Il en va ainsi de la Physique - notez bien le -ph- et le Y grec qui désigne étymologiquement la Nature. Pour vous en assurer, n'hésitez pas à consulter l'article du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.Le récit d'Eric Maliska ne va pas par quatre chemins.
Il ne s'embarrasse pas de termes grecs incompréhensibles.
Il montre que la science et la nature sont parmi nous. Direct.
La science et le Mal
Ce qui fait la valeur d'une idée - et d'un récit aussi, c'est sa simplicité. L'histoire tourne autour d'un seul personnage, un éminent scientifique, le Professeur Melchior. Le style introspectif de la première partie en particulier nous le rend familier. Au fur à mesure qu'il découvre le personnage à travers ses pensées, le lecteur se sent de plus en plus proche de découvrir son secret. Car dès le début, le professeur a un projet extraordinaire auquel il travaille d'arrache-pied, n'économisant ni ses efforts, ni son énergie, ni ses mensonges. Sa jeunesse en flash-backs éclaire d'un contrepoint logique les méandres d'une psychologie complexe. Ce Melchior physicien, c'est un peu Faust, Machiavel et Frankenstein en même temps. De Profundis capte l'essentiel de l'existence, ce qui est présent potentiellement en chacun de nous et c'est là où il m'a fait vraiment peur. Le tableau chromatique des émotions négatives est travaillé minutieusement. Il est clair que ce n'est pas la rationalité qui mène le monde.
L'espace temps
Les romans d'anticipation actuels se rattachent parfois à un genre nouveau, venu des USA : la CliFi, littérature de fiction liée au climat. Dans une certaine mesure, cette histoire est intimement liée à ce genre-là je crois, sans le revendiquer expressément, tellement le personnage mégalomaniaque de Melchior s'arroge toute la place. Cependant, la deuxième partie nous offre une prise de distance magnifique. D'un bureau étriqué dans la capitale, on est projeté l'échelle planétaire, comme l'électron de laboratoire soudainement libéré. C'est une expérience à vivre qui ne manque pas de surprendre. D'autant plus que là où l'on s'attendait à une bouffée d'air, on est pris à revers. Toute-puissance de la physique VS impuissance de la nature - et vice versa - c'est un tour de force que de poser les problèmes dans le mouvement : actualité, cauchemar, psychologie, science-fiction, etc. Cet ouvrage manie les concepts avec un tel brio, que quelque part, encore une fois, cet univers imaginaire est terriblement familier.Le cynisme est un carburant
Mais au fond, il est difficile d'être à ce point destructeur. Pour découvrir dans le style de l'auteur, il est possible d'acquérir à moindre coût une nouvelle, celle de Kévin, le jeune étudiant au service de cet infernal scientifique. Le changement de point de vue est évocateur : allons-nous aborder un univers moins sombre, moins abyssal ? Je crois que l'écriture élève forcément et qu'il est difficile de maintenir un noir absolu. Kevin serait alors l'étincelle de vie qui éclaire le royaume des morts, le point blanc du 陰 (Yin), le cheveu sur la soupe.
A lire prochainement quand je me remettrai des morsures cuisantes de ce premier thriller.
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