La censure aux trousses




Titre : La censure aux trousses


Auteur : Charles Revue


Autoédition - Librinova


Année de parution : 2018


Isbn : 9791026219309


C'est toute ma jeunesse !

Les années 70, l'Île aux Enfants, Sardou : en quelques traits bien choisis, Charles Revue esquisse l'époque de ma naissance et du coup celle de mes parents. Juste quelques générations en arrière, la France vivait-elle dans cette fraîcheur et cet idéalisme sensibles grâce aux prises de position des protagonistes de l'histoire ? Au lieu de "se prendre la tête", on s'inscrivait alors dans de grandes perspectives claires : féminisme, anarchisme, conformisme... C'est par l'expérimentation d'attitudes collectives qu'on cherchait les solutions.

Par exemple, Hélène Girardin est de toute bonne foi (D'où le nom de sa mère ?) quand elle classe les films X. Ses critères sont fondés sur sa bonne conscience : la dignité peut-être et la maîtrise des techniques du 7ème art. Dominique, dans le parti opposé, assume également aussi bien ses choix que les compromis qui vont avec. Quand les deux personnages se rencontrent -et le destin y est pour beaucoup, c'est un véritable feu d'artifice. De ces deux visions du monde antagonistes surgit alors la troisième voie : celle de l'acceptation et du retour au plus simple.

La ligne du récit est claire, charmante, avec toute la nostalgie d'un temps où les idées semblaient simples et dichotomiques : la nature contre la culture et inversement, censurer pour protéger, s'exhiber pour s'exprimer, dans tous les cas, c'est l'amour qui guide les décisions des "bons" dans un monde de méchants puissants qui seront punis par leurs propres excès.

La France des 70es entre dans l'histoire

Charles Revue a su saisir les idéaux et les revendications qui suivent mai 68 dans une histoire où il est justement question de la liberté d'expression face à un pouvoir plus ou moins corrompu.

J'ai trouvé extraordinaire de voir que ces années-là ont semé sans doute les graines de mouvements actuels : de l'action directe au terrorisme, de Xylos à Anonymous, du militantisme à la propagande de masse, il n'y a qu'un pas qu'on a franchi plutôt facilement en quelques générations... J'ai eu l'impression que de nombreux cap ont été passés dans le domaine de la pornographie depuis. D'un phénomène de "mode" politisé et national, elle est passé désormais au rang d'une vaste organisation lucrative mondialisée en marge de l'économie, incontrôlable. La limite de la censure serait-elle de promouvoir ce qu'elle réprouve en confisquant le pouvoir des vrais acteurs ? Après avoir ri aux aventures des personnages de la censure aux trousses, je me sens un peu déprimée. L'enfer est vraiment pavé de bonnes intentions.

Hasard ou coïncidence ? Les vœux 2019 de Chris Simon -illustre auteure autoéditée- mettent en avant une vision de l'avenir par Marguerite Duras via l'INA.

Ce rapprochement m'invite à recontextualiser l'actualité. C'est l'effet rétroviseur de certains ouvrages qui nous invitent à regarder d'où l'on vient pour mieux définir où l'on va.

Bienveillance, douceur et volupté

Seulement, on ne choisit pas uniquement un ouvrage pour son regard historique ! Il y a le style. Charles Revue a une plume dynamique et généreuse, farceuse parfois quand il joue sur une interprétation trop rapide, observatrice toujours quand il croque le détail significatif.
Tant de légèreté provoque comme un tourbillon un peu magique, avec des ellipses quand le voyage est trop long, des ralentis quand il faut souligner l'émotion. Plutôt que les approches psychologiques, ce sont les situations cocasses ou inattendues qui créent la dynamique. Pourtant, j'aurais aimé explorer davantage la question du corps. Par exemple, choisir le thème de l'érotisme/pornographie est courageux, il aurait été plus intéressant encore de le traiter en littérature. Quelques scènes (le bain, l'entretien, ...) s'y prêtaient davantage. Enfin, les réparties des personnages me semblaient parfois artificielles : est-ce un effet du langage d'époque ? Je ne sais pas exactement, mais je me souviens vaguement d'un style un peu ampoulé que j'ai parfois retrouvé dans mes voyages en pays francophone.
Cela dit, La censure aux trousses n'est pas à "ixer", -au contraire même !- malgré sa couverture sulfureuse et je la conseille volontiers à tous les adolescents/jeunes adultes qui veulent mieux comprendre comment on en est arrivés là ;-)


Que lire ensuite ?

En me reconnectant sur la page de Simplement Pro, j'ai été attiré par un projet d'écriture qui mêle l'oralité au roman. L'Afrique où j'ai eu la chance de voyager parfois m'a souvent émerveillée par sa sensibilité aux "vibrations de l'autre". Amélie Diack nous invite à entrer dans une littérature "exotique" avec Shouna. C'est parti donc !


Pour l'avoir à soi : https://www.librinova.com/librairie/charles-revue/la-censure-aux-trousses#
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