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Des Souris blanches et des hommes de couleurs

  





Titre : Des souris blanches et des hommes de couleur

Auteur : Eric Pommet
Editions : Edilivre
Année de parution : 2022


Cette chronique est librement écrite en service presse.

Selon un proverbe russe : «История повторяется дважды: первый раз в виде трагедии, второй - в виде фарса», l'histoire se répète 2 fois : la première fois comme une tragédie ; la seconde, comme une farce. Personnellement, je n'ai guère d'avis sur l'histoire de France ou du monde, mais je trouve que cette maxime marxiste (à prononcer très vite pour éprouver votre diction !) se vérifie parfaitement dans ma biographie. Et je dirai même plus, à cinquante ans, je peux relever de passionnantes variations sur des thèmes récurrents : enthousiasme & démission, liberté & solitude, équilibre & extrêmes. D'ailleurs, l'activité d'écriture qui consisterait à saisir le fil rouge ou la quintessence d'une vie permettrait justement d'apprécier tout le sel de ces redites personnelles... Mon challenge, après ces deux années d'enluminure méditative et muette, sera donc syncrétique, m'offrant l'occasion renouvelée d'une variation sur la lettre : la Boite à Lettres concernera aussi bien les lettrines médiévales que les courriers administratifs, j'aurai un atelier-bureau grâce à la Duchesse de la Duchère et je vous en parlerai bientôt ! En attendant, je lis avec plaisir ce que les auteurs d'aujourd'hui ont envie de nous raconter car le hasard ou la coïncidence me mène encore et toujours du côté des livres. Eric Pommet avec Des souris blanches et des hommes de couleur est ma plus belle rencontre d'avril.

L'universelle variation sur le 2 : couple, binôme, yin & yang...

...la solidarité dans l'adversité...
...le couple, le binôme, la complémentarité...
...l'amitié, l'alliance, les affinités électives...
...le choix libre, le lien assumé, "à la vie, à la mort"...

... en un mot, l'amitié : le thème est universel et marche toujours aussi bien. Les ingrédients du classique de Steinbeck sont bien présents dans cette nouvelle mise en scène de son fameux roman Des Souris et des Hommes. Mais l'exercice est périlleux et je me suis immédiatement demandé si notre auteur misait sur la sécurité en choisissant un classique de la littérature ? Et même, ce qui m'est venu à l'esprit avant même de commencer à lire, c'est : Il faut tout de même une sacrée dose de courage (ou d'inconscience) pour rivaliser avec Steinbeck, sur son propre terrain, je veux dire celui du roman ! Qu'on opte pour une adaptation cinématographique, radiophonique ou théâtrale, c'est courant mais là : un roman qui est l'adaptation d'un roman ? C'est gonflé ! Certes, certes, le temps et le lieu diffèrent : un siècle nous sépare, et neuf fuseaux horaires, mais un homme reste un homme, tout de même...(enfin surtout deux) et le challenge est de taille.




D'emblée, j'ai cherché à repérer la valeur ajoutée : au lieu du naturalisme de Steinbeck, une écriture dramatique ; au lieu de la naïveté, une lucidité multiple, serait-ce par l'ajout d'une conscience incarnée par une voix juvénile, innocente et véridique , au lieu de la Californie des saisonniers, l'Europe des migrants. Et un décalage un peu forcé de certains détails qui m'ont affolée mais qui sonnent juste, parfois, parfois moins, mais je ne veux pas les dire en public. A l'heure actuelle, cela ferait un esclandre sur les réseaux mais n'en déplaise à la censure bien-pensante, ils appartiennent à la vie, à l'irl et la littérature indépendante peut se permettre l'immense liberté de choquer son lectorat, ce qui n'a pas de prix !

L'engagement littéraire : rêver le monde 

Ce roman est un hommage et un manifeste. D'ailleurs, l'auteur raconte sa genèse dans ses interviews. L'amitié de ses 2 héros fait écho à une amitié réelle que le roman immortalise. D'où la tentation de réécrire la fin, d'ailleurs, de rehausser le rêve au niveau de la réalité. Hommage à un ami décédé, peut-être trop tôt pour avoir réaliser ses rêves...

C'est un manifeste aussi car le sujet des migrants même éclipsé par les affres du confinement ou de la guerre en Ukraine est toujours aussi brûlant. Les gens qui quittent tout vers un hypothétique Pays des Droits de l'Homme, qui s'imaginent que l'ailleurs des colonialistes déguisés en grandes firmes libérales sont toujours trop nombreux et trompés par un espoir naïf. Les responsables restent pourtant en retrait et n'importe que ce qui est vécu, les mains dans le cambouis et la tête dans les étoiles. Quand Farid rappelle à son ami leur pérégrinations pour éviter qu'il n'oublie purement et simplement qui il était, j'ai pensé à notre confortable schizophrénie d'Européens repus qui s'attristent du malheur du monde. Heureusement qu'on oublie parfois mais en fait ça fait froid dans le dos....




Eros, philia ou agapè - les frontières de genre ont-elles encore lieu d'être ?

Pourtant, même si la littérature indépendante me bouscule souvent et me choque parfois, parce qu'elle ne cadre pas avec mes habitudes, mes attendus, mes connaissance, elle a le don de remettre en question l'évidence. Eric Pommet s'attaque ici délibérément à la question du genre. Il sait qu'on sait qu'il sait la fin du roman de Steinbeck : il en profite pour quitter le roman naturaliste pour celui de la tragédie. Il commente et témoigne, critique et explique tel un coryphée grec, il nous mène allègrement vers la tragédie annoncée sauf que l'engrenage se casse à la fin et il ne résiste pas à une sortie de scène époustouflante, rédemptrice et pleine d'amour & d'espérance.

Alors roman ? Tragédie ? Comédie ? Variation ? Chronique ? Critique ? Exercice de style ? Hommage ? Déclaration d'amour ? Je ne me risquerais pas à trancher. Une chose est sûre l'auteur a une foi immense en l'humanité et entièrement confiance en son lectorat. Et ça fait plaisir en ce jour terriblement actuel du 1er mai 2023.

Dans ma pile à lire du joli mois de mai







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