Les trois vies de l'homme qui n'existait pas - Laurent Grima

LLes trois vies de l'homme qui n'existait pas



A quoi ça sert d'écrire ?


Cette question est revenue tellement souvent dans ma vie, sur l'air de "Mais pourquoi tu fais ça ? quel est l'intérêt ?" A chaque fois, j'essayais de trouver. Vraiment. En rentrant comme un escargot au fin fond de ma coquille pour trouver ce je-ne-sais-quoi qui donnerait une raison à l'activité aussi inexplicable qu'incompressible de noircir des feuilles blanches. Et à chaque fois je trouve non pas une, ni 3, ni 10, ni 15 mais mille raisons d'écrire :
  • explorer des paysages intérieurs
  • vivre par procuration
  • composer un air qui me touche
  • activer une autre fibre de la réalité
  • m'amuser
  • rêver
  • inventer des mondes
  • clarifier mes idées
  • justifier mes actions
  • expirer
  • m'inspirer
  • dessiner
  • ...
Je vous la fais courte car il en existe autant pour moi que de grains de sable dans le désert. Et pourtant, malgré tout cela, je ne me suis jamais autant approché de la nécessité absolue et existentielle de l'écriture que Laurent Grima : non seulement son personnage revendique son existence par et dans la poésie, mais en plus le projet littéraire de l'auteur déborde largement le cadre romanesque. 
Ce n'est pas un roman, c'est un manifeste ! L'élan intérieur du héros est un formidable prétexte (lisez pré-texte, le texte avant le texte) à un discours absolument subversif. Si la littérature est une arme, Les trois vies de l'homme qui n'existait pas est un bazooka.
Et le lecteur est complice. 
Aaargh ! Impossible de faire autrement.

L'imagination au pouvoir


Le postulat de départ est un peu fantaisiste : les pérégrinations d'un orphelin élevé sans papiers et voué à la fuite. Quoique...Quoique oui, à la réflexion, on imagine bien que notre réalité est loin d'être aussi lisse que les reportages de TV5 Monde sur une France diplomate et paisible. Et ces SDF ou ces réfugiés dont la tragédie clignote aux actualités du 20h doivent bien continuer à exister une fois la vaisselle dûment essuyée et rangée... A la réflexion, compte-tenu du dédale de l'état-civil, il se pourrait bien que d'aucuns s'y perdent. Par négligence sans doute. Par ignorance peut-être. Des fous. Des déchus. Des marginaux. Par choix, au fond. Par non-choix, peut-être ?
Et les bonnes raisons bien-pensantes qui étouffent pudiquement le feu d'artifice de la vraie vie jettent un voile bienvenu sur ces destinées qui font peur...

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C'est là qu'intervient Laurent Grima, à pieds-joints dans le minestrone, avec des idées loufoques et le sens du rebondissement savoureux. Avec un art consommé de l'immersion, il inverse le monde : la normalité et l'anormalité changent de sens. L'improbable gant mappa du départ devient juste une évidence à la fin. Je me demande si notre auteur est un fan du Reversi/Othello mais son roman illustre parfaitement les retournements éclairs des bons coups de ce jeu passionnant. Offrez-vous une partie et si vous aimez la sensation de continuels resets intempestifs, lisez Les trois vies d'urgence !

Littérature engagée ?

Au XXIème siècle, pensez donc ! Dieu est mort, les idéologies aussi, même les luttes (des classes ou autres) ont l'air un peu fanées. Les masques sont tombés - et je l'écris avec plaisir en ces temps étranges. Pourtant pas de doute : ce roman s'engage et il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il y a des vérités bien vues, des phrases cultes, des passages mémorables, des couperets assumés et des anecdotes rigolotes. J'aurais voulu connaître davantage encore le Tony baratineur, l'impitoyable Günther et le doux Antoine. En même temps, je me disais qu'il était temps sûrement de réanimer mes autres "moi", celles qui n'ont qu'un second rôle dans ma comédie d'aujourd'hui. C'est très tentant même...
J'ai refermé le roman comme si je me réveillais d'un drôle de sommeil, gonflée à bloc, prête à pulvériser la première compromission/trahison venue ! Toutes mes pensées à celles et ceux que j'ai connu.e.s en borderline et qui ont peut-être eu aussi 3, 10 ou 15 vies à vivre en même temps.
La prise de conscience fait grincer des dents mais elle est salutaire ! L'auteur le sait bien d'ailleurs car vu le confinement, il a ajouté en guise de postface une adresse au lecteur qui confirme effectivement qu'il a bien installé le baril de poudre, posé la mèche, craqué l'allumette et enflammé les pages que le lecteur a justement entre les mains.




PS : La couverture est top, vous ne trouvez pas ?

Que lire ensuite ?

C'est Ein Brera, ou Liverpool Connection qui me font envie ... parce que je connais Lisa Giraud Taylor, que j'aime sa légèreté de velours et son humour de fer (Je ne sais pas qui m'avait dit que l'ironie avait une origine anglais - iron = fer ;-) ) Je tente un service presse et en attendant, je vous laisse savourer les vidéos de Lisa qui se livre #ItemLiz :




Et en spécial dédicace à Lisa un bon anniversaire le 12 juillet pour sa chaîne Youtube !

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