Yasmina Khadra à Oran


Martine Silberstein, notre Martine à écrire, nous fait cadeau d'un souvenir de voyage plutôt exceptionnel.




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"Quelques dizaines de chaises dans une salle si justement nommée Yasmina Khadra de l’hôtel Liberté d’Oran n’ont pas suffi à accueillir le public venu nombreux pour rencontrer l’écrivain, mais grâce à la diligence du personnel, 300 personnes ont pu s’asseoir et seulement 50 sont restées debout dans la salle tandis que les autres sont restées dans le hall.


« Quand je veux parler de moi, j’écris un roman. Je me suis confié à une dame très pieuse, une chrétienne, entre croyants on se comprend ». C’est ainsi qu’est né le livre, L’Imposture des mots.


Il a écrit des romans sur le terrorisme, par exemple L’attentat en 2013. Quand il était militaire, son rôle était justement d’être dans la tête des terroristes. Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, affirme qu’un romancier a tous les droits, il fait ce qu’il veut.


Il est allé à Cuba, au Mexique, à Cordoue, car il avait promis à ses filles de les y emmener. Et a commencé à écrire une trilogie, d’abord Dieu n’habite pas La Havane, puis il en a commencé un autre. Il se sent romancier du monde et a voulu écrire ces livres, comme un road movie, avec de nombreux rebondissements. « Ces attentats, à Paris en 2015, puis à Barcelone nous, on a vécu ça pendant dix ans. J’avais pourtant promis de ne plus en parler ». Ils lui ont rappelé l’Algérie. Lui-même ressent de l’empathie, il ne se veut pas manichéen. Il ne condamne pas, chacun a ses arguments, ces gens-là ont leur propre philosophie. Il se refuse à faire une caricature.


Le terrorisme est un sujet grave. L’auteur ne supporte pas l’assimilation entre musulman, migrant et terroriste. Son roman, Khalil, a été écrit en trois semaines. Il voulait apporter quelque chose de nouveau mais pas pour dédiaboliser. Certains sont nés pour être le diable. Mais il y a toujours quelque chose à récupérer chez ces gens-là. Ils sont engagés dans un idéal, mais pourquoi ont-ils commencé ? Qui est derrière ? C’est à force de discours insidieux d’humiliation, de racisme. Il a lui-même été victime de racisme en Allemagne. Il a demandé son chemin au chef de gare ; et cet homme l’a volontairement ignoré, comme s’il n’existait pas. Il s’est dit que cet homme était comme un nazi. Les terroristes se vêtissent de toutes ces colères. Il faut essayer de comprendre cette bêtise, qui les amène se faire exploser, ils n’ont rien compris à la vie, le bien le plus précieux. En Europe, ce ne sont pas des propos de sagesse qui sont propagés mais des propos de haine et c’est ce qui rend possible les attentats.





Le professeur de littérature qui mène l’entretien ajoute que, dans ce livre, ce qui est important n’est pas comment finit le livre, mais comment il commence.


Khalil, c’est aussi l’histoire d’une amitié au sein d’une fratrie, Khalil a une sœur jumelle, Sarah. « Je suis quelqu’un qui aime. Un pays, un ami. Je ne déteste pas mes ennemis ». Il poursuit et dit que l’amour, c’est la beauté. Il faut pardonner les défauts. « Haïr l’autre, c’est se haïr soi-même ». Il affirme que nous sommes rassemblés, nous formons une famille, l’humanité, comme des atomes. Il se dit un « heureux optimiste ».


Il le dit, il est croyant, il a lu le Coran et la Bible. J’ai retenu cette phrase qu’il a prononcée avec autant de simplicité que l’ensemble de ses propos : « Il faut cueillir dans tous les jardins sa part de lumière ». Il défend la fraternité, car la haine détruit tout.


Puis c’est au tour du public de poser des questions à l’écrivain :


Khalil, pourquoi ce prénom alors que dans le Coran c’est un ami et le confident du Seigneur ? A quoi il répond que le négatif peut devenir le positif, le mal se substitue à tout.


Un lecteur attend un livre sur l’amour de l’Algérie ! Un autre sur sa région d’origine.


L’écrivain assure que la vocation d’un être humain est d’être philosophe. Lors de la guerre contre le FIS il a été bouleversé par ce qu’il a vu. Dans une ferme très pauvre, dans une région très pauvre, toute une famille a été massacrée. Il y avait du sang partout mais ce qui l’a le plus marqué c’est qu’en cette veille de l’Aïd, le père avait acheté une robe, toute neuve, pour sa petite fille de deux ou trois ans. L’on ne voyait que cela : cette petite robe suspendue par une ficelle, accrochée au plafond… Le seul trésor de la famille.

Une lectrice tient à lire un passage pour nous le faire partager, page 230, qui lui a fait monter les larmes aux yeux. Elle remercie Yasmina pour cette phrase, si belle…

Un jeune homme qui a vécu un an en Allemagne est heurté, voire choqué que l’auteur puise dire à propos de cet Allemand qui l’a ignoré qu’il est « comme un nazi ». Comment reconnaître qu’un homme porte le mal en lui ?! Yasmina Khadra insiste et affirme à nouveau qu’il l n’a pas dit qu’il était nazi mais Comme un nazi. Il a lutté contre le FIS, en Algérie et sait reconnaître si un homme est bon ou pas.

Que vous a apporté l’écriture de scénarios ? L’écrivain pense qu’écrire des scénarios a permis à son style d’évoluer, il écrit d’une manière plus concise.

L’auteur a signé entre 450 et 500 livres en 3 heures."

Martine Silberstein




Pour aller plus loin : https://www.facebook.com/Oran-aime-Yasmina-Khadra-139007456223443/

et le blog de Martine : http://la-martine-a-ecrire.over-blog.com/

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